Il y a ce moment, souvent invisible aux autres, où l’esprit s’enraye. Il devient une alarme qui ne s’éteint plus. Pour certains, c’est après une agression. Pour d’autres, un accident, un deuil brutal, ou la guerre. Le corps est revenu à la maison, mais le cerveau campe encore sur le champ de bataille. Ce dérèglement de la mémoire et de la peur porte un nom : le syndrome de stress post-traumatique, ou SSPT.
Qu’est-ce que le SSPT ?
Décrit pour la première fois chez les soldats revenus du front après la Première Guerre mondiale, le SSPT est aujourd’hui reconnu comme un trouble psychique à part entière. Il survient après une exposition à un événement traumatique intense, où l’intégrité physique ou psychique est menacée. Mais ce n’est pas tant le choc en lui-même qui est pathogène, que la façon dont le cerveau s’enferme dedans.
Le symptôme le plus marquant, ce sont les réminiscences : flashbacks, cauchemars, images intrusives. S’y ajoutent souvent une hypervigilance constante, des troubles du sommeil, des accès de colère ou d’anxiété, et une tendance à l’évitement : éviter les lieux, les personnes, les souvenirs qui rappellent le traumatisme.
Le SSPT est une blessure invisible, mais bien réelle, enracinée dans une hyperactivation de certaines zones du cerveau comme l’amygdale, combinée à un dysfonctionnement de l’hippocampe, qui empêche le cerveau d’archiver le souvenir comme « passé ».
Est-ce qu’on peut soigner le SSPT ?
La réponse est oui. Mais elle mérite des nuances. On peut vivre une nette amélioration, parfois même une disparition des symptômes. Mais le chemin est souvent long, sinueux, et différent pour chacun.
Certaines personnes se rétablissent spontanément au fil du temps. Pour d’autres, le trouble s’installe durablement, affectant le lien aux autres, la capacité à travailler, ou à ressentir de la joie. L’élément central reste la prise en charge : plus elle est précoce, plus elle augmente les chances de guérison. Cela dit, même plusieurs années après, il n’est jamais trop tard pour amorcer un travail thérapeutique.
Les traitements classiques
Le traitement de première intention, recommandé par les autorités sanitaires, reste la psychothérapie. En particulier, la TCC (thérapie cognitive et comportementale) centrée sur le traumatisme. Elle vise à désensibiliser progressivement la personne aux souvenirs traumatiques, tout en travaillant les pensées dysfonctionnelles qui les accompagnent.
Une autre méthode validée est l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), qui utilise des stimulations bilatérales (mouvements oculaires, sons, tapotements) pour aider le cerveau à « digérer » l’événement traumatique. L’EMDR est reconnue par l’OMS et largement pratiquée en France.
Les antidépresseurs de type ISRS (comme la sertraline ou la paroxétine) peuvent aussi être prescrits, notamment quand le SSPT s’accompagne d’un état dépressif majeur ou d’anxiété sévère. Ils ne guérissent pas le trouble, mais peuvent atténuer les manifestations.
Les traitements innovants ou marginaux
Les psychédéliques comme source de changement
Depuis quelques années, une autre approche refait surface : celle des psychédéliques. Aux États-Unis et dans certains pays d’Europe, des études cliniques testent la MDMA, la kétamine, ou la psilocybine (le principe actif des « champignons magiques ») en thérapie assistée. Les résultats sont prometteurs : une seule séance de psychothérapie sous MDMA, dans un cadre sécurisé, pourrait réduire significativement les symptômes du SSPT chez certains patients.
Toutefois, il n’existe pas d’institut offrant des séances de thérapie par psilocybine en France. La substance psychédélique y étant interdite. Cette situation oblige les personnes intéressées à se tourner vers les rares essais cliniques ou à chercher des structures légales à l’étranger (Pays-Bas, Costa Rica).
Les avantages du développement personnel
En parallèle, certaines pratiques complémentaires gagnent du terrain : yoga sensible au trauma, pleine conscience, thérapie somatique, équithérapie… Moins normées, mais souvent perçues comme libératrices, surtout quand la parole est difficile. Car le corps aussi garde la mémoire du traumatisme, et parfois, il faut passer par lui pour réapprendre la sécurité.
En somme, soigner le SSPT, ce n’est pas simplement « oublier ». C’est aussi reconstruire un rapport au monde, retrouver une forme de continuité intérieure. C’est lent, parfois ingrat, mais pas impossible. La résilience n’est pas une injonction héroïque, c’est une expérience humaine, fragile, souvent collective. Et chaque chemin vers la réparation mérite d’être reconnu, accompagné, respecté.